Les marques ne sont plus au centre de la communication.
"À une heure où n'importe qui peut donner son avis sur une marque, et que chacun peut accéder à ces avis par le biais des médias sociaux, la communication ne va plus de la marque vers les consommateurs, mais du consommateur au consommateur."
Dans une série d'interviews de professionnels de la vidéo sociale, je cherche à comprendre l'impact de ce nouveau medium sur les métiers de la communication, du marketing et des médias. C'est au tour de Swann Guillet, Directeur Général de MagnAve d'apporter son expertise.
Comment la vidéo a-t-elle impacté le marketing sur les réseaux sociaux ?
Il y a une dizaine d’années, lorsque les réseaux sociaux étaient encore un mouvement nouveau et assez largement mécompris, le marketing se résumait à des annonces publicitaires traditionnelles sous forme de bannières.
Et puis avec le temps, et à mesure que les internautes ont investi ces réseaux sociaux, les marques ont progressivement réalisé l’immense potentiel de ces nouveaux médias qui leur permettaient de se jouer de cette nouvelle dimension sociale.
Les marques les plus audacieuses ont alors osé sortir du cadre de la publicité traditionnelle pour développer leur image de marque, pour raconter des histoires, pour inspirer les internautes.
On ne se contente alors plus de textes, ni même d'images qui peinent à attirer l’attention, parce qu'on est dans une course à l'attention, et que les consommateurs ne sont pas là à attendre qu'une marque publie sa publicité.
Avec la vidéo, on ne communique plus sur le côté rationnel des points forts d'un produit ou d'un service en particulier. On communique sur une vision, sur des valeurs, on fait appel à l'émotion et à l'hémisphère droit du cerveau.
La vidéo est interactive, elle donne le temps de raconter des histoires, et les histoires ont une emprise sur nos émotions.
L’être humain est un être d’émotion. Quand les marques nous racontent une histoire, elles jouent sur notre sensibilité, et si la démarche est honnête, nous y prenons plaisir, parce que ces marques nous divertissent, parce qu’elles nous motivent et nous inspirent.
Quels sont les freins principaux des annonceurs vis-à-vis du marketing sur les réseaux sociaux ?
Les annonceurs ont peur de comprendre que la communication ne va plus dans le même sens qu'auparavant.
À une heure où n'importe qui peut donner son avis sur une marque, et que chacun peut accéder à ces avis par le biais des médias sociaux, la communication ne va plus de la marque vers les consommateurs, mais du consommateur au consommateur.
La place de la marque va être profondément bouleversée par ce changement. La marque doit devenir le chef d'orchestre de sa communication, mais n'en joue plus la partition. Et dans ce nouveau modèle, les réseaux sociaux représentent une occasion supplémentaire d'engager la conversation avec les consommateurs.
Un autre point sur lequel nous sensibilisons nos clients tient à la manière dont nous mesurons l’efficacité d’une campagne de communication sur les médias sociaux. Ces nouveaux médias ont apporté avec une eux une nouvelle dimension sociale aux marques, une opportunité d’engager leurs clients et de s’engager avec leurs clients. Pourtant, on constate surtout une certaine fainéantise jusqu’ici à faire évoluer la façon dont nous mesurons les campagnes de communication.
Une stratégie de communication se résume t-elle seulement à un nombre de vues abstrait ou à un nombre de clics ?
Sur les médias sociaux, il me parait évident que non, puisque ni la vue ni le clic ne permettent de mesurer l’émotion ou l’expérience délivrée par la marque aux internautes. Nous travaillons constamment avec nos clients pour leur apprendre à relâcher leurs anciens préceptes et à accepter de mesurer différemment ce qui se passe sur les médias sociaux, parce que c’est là que se trouve l’opportunité pour les marques.
Les médias sociaux permettent aux marques de se rapprocher de leurs clients en les inspirant et en les divertissant, nous devons donc adopter une nouvelle manière de mesurer cet engagement créé auprès des internautes.
Comment vois-tu le domaine du marketing d'influence évoluer dans les prochaines années ?
Les médias deviennent décentralisés. Au début, le modèle historique de la presse et de la TV ont investi les réseaux sociaux. Ils étaient toujours le centre de l'information et du divertissement, mais aujourd’hui, tout le monde est un média.
C'est déroutant pour les marques, parce que pour la première fois elles ne maîtrisent plus ce qui se dit d'elles. N'importe qui devient un media et la marque ne maîtrise plus cette chaîne de création de contenu.
Les plateformes sociales comme Facebook, Instagram - et Twitter ne va certainement pas tarder à leur emboîter le pas - diminuent volontairement le reach organique des marques. De sorte que les annonceurs maîtrisent encore moins ce que les consommateurs voient de leur marque (les pages Facebook de marques atteignent 5% de leurs abonnés de façon organique).
Les marques s'enferment alors progressivement dans une bulle créée par les plateformes sociales, dans laquelle elles doivent passer par un achat média constant afin de se faire entendre sur les médias sociaux.
À moins de ne souhaiter s'enfermer dans cette bulle « court-termiste », les marques vont devoir apprendre à s'adapter à un monde dans lequel la communication est décentralisée. Les marques ne peuvent pas seulement communiquer d'elles-mêmes et vont ainsi devoir créer leur propre cercle d'influence, leur propre média.
Les marques vont devoir apprendre à capitaliser sur leur image et sur leur identité pour fédérer une communauté d'influenceurs et d'ambassadeurs.
Le marketing d’influence va se stabiliser autour de deux cercles d’influence. Avec d’un côté un cercle restreint d’ambassadeurs de la marque qui partagent avec elle des valeurs communes : ce sont des personnalités qui sont intimement liées à la marque. Et le second cercle, plus large, est constitué des influenceurs à proprement parler, qui ne sont pas liés à la marque mais qui constituent les relais étendus de la communication de la marque afin d'amplifier la portée de cette dernière et de toucher des audiences ciblées.
Cécile Ratovoherizo est stratège en marketing par la vidéo sociale et les réseaux sociaux. Elle aide les marques comme Mattel, MacDonald's et Canal+ à concevoir des contenus et des stratégies pour toucher de nouvelles audiences, fidéliser les communautés et atteindre leurs objectifs business. Retrouvez Cécile sur LinkedIn.